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Le Nom de la Rose au 9e Art

  • Temps de lecture :12 min de lecture

Si vous êtes habitués du blog, vous avez certainement lu mes précédents articles sur le Nom de la Rose d’Umberto Eco, que ce soit sur le travail même de l’auteur et son rapport avec l’enluminure, ou sur son adaptation sur le petit et grand écran.  C’est lors de mes recherches pour ces articles que je découvre que le roman refait l’actualité avec la parution toute proche du Nom de la Rose sous un format inattendu et inédit : la bande dessinée.  Ce sont les éditions Glénat qui sortent le 20 septembre 2023 le 1er tome du Nom de la Rose par Milo Manara, sommité de la bande dessinée italienne.

J’ai eu la chance de pouvoir lire ce tome en avant-première et ma première réaction a été : quand sort le deuxième ?!

Finalement pas tant que ça… L’histoire est même assez pragmatique.

Umberto Eco, décédé en 2016, aurait fêté ses 90 ans le 5 janvier 2022. Le magazine italien de BD Linus, souhaite lui consacrer un numéro spécial. En effet, Umberto Eco était un collectionneur et amateur de bande dessinées, comme l’atteste un essai en 1969. L’auteur et le directeur éditorial du magazine caresse l’idée d’adapter le plus célèbre des romans d’Eco en planches.

Linus magazine Numéro Spécial Umberto Eco

C’est Elisabetta Sgarbi, la directrice de la maison d’édition d’Eco, qui a la « vision » de Manara aux commandes du projet, Manara qu’Eco admirait sincèrement. Manara accepte. La famille d’Eco ayant donné son accord, Manara se lance dans le projet et il est décidé que Linus prépublie les planches tous les mois dans son magazine, avant de les rassembler dans un album édité chez Oblomov, en mai 2023.

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Qui est Milo Manara, ce monument de la BD italienne ?

Je ne suis pas une grande amatrice de bande dessinées aussi Manara a été une impressionnante découverte.

Milo Manara, surnommé « le maître italien du 9e art », s’est fait connaître principalement par sa célébration des femmes et de leurs courbes. Chef de file mondial de la bande dessinée érotique, sa biographie n’est constituée que de best-sellers comme Le Déclic (1983), Le Parfum de l’Invisible (1986) , Borgia (2004) … Comme souvent, 9e et 7e art se côtoient et Milo Manara collabore avec Federico Fellini pour le Voyage à Tulum (1990) et le Voyage de G.Mastorna (1996) puis avec Pedro Almodovar pour le Feu aux entrailles.

Comment Manara a revisité le Nom de la Rose

La grande particularité du Nom de la Rose en BD est que le texte n’est pas réécrit. Il s’agit bien des dialogues d’Umberto Eco et le scénario est respectueux de la structure du roman, mis à part une réappropriation du début, sorte de prologue contextuel, hommage aussi émouvant qu’intriguant à l’écrivain et à la genèse de son chef d’œuvre.

Fin août, Manara se confiait à Ouest France « Je me suis retrouvé face à une cathédrale. L’enjeu était d’identifier les murs porteurs et d’enlever des pierres sans la faire s’écrouler, retirer ce qui n’était pas indispensable à la stabilité. »

J’aime beaucoup cette image, car lorsqu’un monument s’attaque à un autre monument, la cathédrale est certainement l’édifice qui traduit le mieux le travail effectué. Car une cathédrale est plus qu’un bâtiment, c’est aussi une œuvre d’art, une dentelle de pierre toute en nuances et en détails qu’il faut manœuvrer avec précaution. La restauration de Notre Dame l’a rappelé récemment au grand public. Et c’est ce qu’a fait magistralement Manara avec Le Nom de la Rose ; il a descellé les pierres mais a gardé les rosaces et dentelles, comme les formidables ruines gothiques que l’on peut admirer en Bretagne ou en Écosse.

Couverture Tome 1 Le Nom de la Rose - Milo Manara - Umberto Eco
© Milo Manara - Glénat

Milo Manara a bien conscience du défi de son travail car « faire une nouvelle transposition est sans aucun doute un grand défi ». Il décide donc de prendre le parti d’ « élargir le sujet en créant un livre sur un livre qui parle de livres, en poursuivant ce croisement de citations dans un jeu de matriochkas intéressant ».

C’est donc de là qu’il décide de donner la parole à Eco lui-même.

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Si le roman est la matériel premier de la bande dessinée, les autres transpositions visuelles ont certainement influencées le travail de Manara. Les couleurs, les espaces grands et lumineux  me rappellent l’atmosphère de la série télévisée tandis que le « casting de gueules » des personnages rappelle celui de Jean-Jacques Annaud.

Les enluminures dans l’œuvre de Manara

Si les enluminures étaient omniprésentes dans le Nom de la Rose, le fait de pouvoir les voir en planches était pour moi ma plus grande attente sur l’ouvrage. Et puis, je l’avoue, voir le maître de la BD érotique dessiner des moines en bures dans l’atmosphère obscurantiste du roman me paraissait quelque peu frustrant pour l’artiste. Mais Manara est un artiste et il a su détourner, que dis-je sublimer, cette pesante ambiance médiévale.

Pascal Aggabi traduit son propos dans l’interview que Manara a donné au magazine Linus.

« Le fait qu’il s’agisse d’une histoire presque entièrement réalisée dans un monastère, avec des personnages tous habillés de la même manière, est sans doute un défi pour un dessinateur, qui a pour priorité de toujours garder l’aspect visuel du récit intéressant. Le thème de la censure, ou comment les pages de la Poétique aristotélicienne consacrées au rire déclenchent la folie meurtrière du fanatisme religieux, je le traduirais d’un point de vue visuel, en dédiant plus d’espace aux marginalia, les miniatures qui offraient une vision à l’envers de la réalité conventionnelle, considérée dans le livre d’Eco comme le déclencheur de l’enquête.

Et il l’a fait. Le livre offre une page complète de marginalia des plus grotesques, des plus incroyables, extrêmement respectueuses du style gothique tant dans le dessin que le choix des couleurs. 

Le nom de la Rose - Milo Manara -Marginalia et Grotesques enluminées
© Milo Manara - Glénat
Le nom de la Rose - Milo Manara -Tympa Abbatiale
© Milo Manara - Glénat

Il y a beaucoup de dynamisme dans ces planches. Les peintures et sculptures fantastiques s’animent et se mêlent à la réalité de la narration, comme l’enluminure de la Vierge de l’apocalypse ou le tympan du Jugement dernier de l’abbatiale.

Le scriptorium est fascinant, assez proche dans l’atmosphère lumineuse et précise de celui de la série télévisée.

Le nom de la Rose - Milo Manara - Vierge de l'apocalypse enluminée
© Milo Manara - Glénat

Un succès annoncé ?

Je le crois. Le roman du Nom de la Rose est formidable mais impressionne. Bon nombre d’entre vous m’avez parlé de la difficulté à naviguer dans l’atmosphère pesante et érudite du roman, moi la première. Accéder au récit par ce format est plus abordable, tout en étant extrêmement fidèle au matériel original. J’ai été frustrée de ne pouvoir terminer l’histoire avec un cliffhanger tout Manara-esque.  (et pourtant je la connais cette histoire !)

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Le 1er tome du Nom de la Rose  est tiré à 100 000 exemplaires et connaît déjà une belle couverture presse (Le Point, le Figaro…) et est même dans les 30 BD-stars de l’automne de Livres Hedbo. Il y a aussi fort à parier que la bande dessinée se retrouve sous de nombreux sapins d’ici quelques semaines.

Pour tout savoir sur le tome 1 :

72 pages – Disponible aux éditions Glénat BD
17,50 € en format papier,
12,99€ en format numérique

Le Nom de la Rose en bande dessinées est un vrai coup de cœur me concernant. Glénat réalise là une très belle sortie et couverture médiatique. Travaillant moi-même dans le marketing et la communication, je n’ai pu qu’apprécier la qualité de leur lancement et des supports édités pour l’occasion. 

Le tome 2 n’a pas encore été annoncé mais comptez sur moi pour vous en parler ici dès qu’il sera à l’ordre du jour !

Présentation Tome 1 Le Nom de la Rose Milo Manara
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Cet article a 2 commentaires

  1. Encore une belle découverte ! Je n’ai pas lu le livre, mais peut-être que la BD sera plus abordable, en effet !

    1. Isabelle NG

      Oh oui, c’est un medium formidable pour aborder l’œuvre !