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Jusqu’au 31 décembre 2023, la Bibliothèque Nationale de France a lancé une souscription pour l’acquisition du « Bréviaire à l’usage de la Sainte-Chapelle » du Roi Charles V.
Ce manuscrit produit vers 1370 est d’autant plus inestimable qu’il fait partie d’un trésor national perdu depuis fort longtemps et qu’une occasion pareille ne s’était pas présentée pour notre patrimoine depuis 200 ans.
Plongez avec moi au cœur de cette acquisition historique !
Sommaire
ToggleQu'est-ce que le bréviaire de Charles V ?
Le Bréviaire de Charles V, dit “Bréviaire à l’usage de la Sainte-Chapelle” est un livre de prières réalisé pour le roi en 1370. Au Moyen Âge, le bréviaire est un livre commun, car il permet à son lecteur de suivre jour par jour les offices religieux.
Évidemment, celui du roi ne peut être ordinaire. Celui de Charles V est tout simplement exceptionnel.
Un manuscrit royal
Imaginez que vous ayez la chance de pouvoir consulter le manuscrit. (Ce qui sera possible en version numérique si le bréviaire entre en possession de la BNF).
Tout d’abord, dès l’ouverture, vous pourrez apprécier la qualité du parchemin sur lequel il a été copié. En ouvrant le manuscrit, votre lecture démarrera par le calendrier liturgique avec la mention des offices pour les âmes des rois et reines de France (les obits), de Philippe IV jusqu’à la propre épouse de Charles V, Jeanne de Bourbon, décédée en 1378.
Les grandes fêtes liturgiques de la Couronne de France sont aussi mentionnées et mises en valeur par des lettres rouges et dorées. Ainsi, vous verrez que le 17 mai se célèbre la translation du chef de Saint Louis, que le 11 août se commémore la réception de la couronne d’épines tout comme le 30 septembre celle des Saintes Reliques. En feuilletant davantage le volume, si jamais vous aviez encore des doutes de quelle Sainte-Chapelle il s’agit, vous pourrez lire « Ci commence la seconde partie des saints a l’usiage de Paris selonc l’Ordenance de la Chapelle de l’ostel du roy de France ».
Évidemment, en bon amateur d’enluminure, vous ne pourrez qu’admirer les 33 miniatures. Et vous remarquerez qu’un personnage y revient régulièrement, facilement identifiable avec ses attributs royaux. Charles V lui-même y est peint en prière, tantôt agenouillé devant Saint Louis de Toulouse, tantôt aux pieds de Saint-Augustin, ou bien en adoration devant les Saintes Reliques.
Aucun doute possible, vous avez bien entre les mains un manuscrit royal.
Credit: BNF
Un chef d’œuvre de l'enluminure gothique
Lorsqu’un manuscrit aussi ancien reparaît ainsi, c’est l’occasion de pouvoir identifier et étoffer nos connaissances d’artistes pour lesquels on sait finalement peu de choses.
Deux grandes figures de l’enluminure française du XIVe semblent avoir contribué à l’ouvrage.
Le Maître de la Bible de Jean de Sy
Le Maître de la Bible de Jean de Sy, appelé aussi ou Maître des Boqueteaux, est un maître enlumineur parisien, dont l’activité est située entre 1350 et 1380. Les manuscrits n’étant pas signés, on ne connaît pas son nom, aussi est-il identifié en référence à un manuscrit de la Bible traduite en français par Jean de Sy pour le roi Jean II le Bon.
C’est le raffinement des enluminures de l’ouvrage et leur naturalisme qui ont permis d’attribuer une grande partie des peintures à ce Maître ou à l’École à laquelle il appartenait. Jusqu’alors, seulement une quinzaine de ses/leurs œuvres sont répertoriées.
Le Maître du Livre du sacre de Charles V
Comme précédemment, ce maître enlumineur reste anonyme et a pris le nom de son ouvrage le plus célèbre, le Livre du Sacre de Charles V, aujourd’hui conservé à la British Library. Son travail connu le positionne entre 1350 et 1378.
C’est un collaborateur habituel du maître indiqué précédemment sur les commandes royales. Une douzaine de miniatures lui sont ainsi attribuées dont celle représentant le roi devant les Saintes Reliques.
Pourquoi Charles V était-il dit le Sage ?
La sagesse du règne de Charles V
Charles V est le 3e représentant des Valois et fils de Jean II le Bon. Avec son règne s’achève la 1re partie de la Guerre de Cent Ans, notamment avec le célèbre Du Guesclin. C’est un monarque qui a permis au Royaume de France de retrouver sa prospérité, notamment par des talents d’administrateur hors pair.
Handicapé de la main droite, il ne lui est guère possible de s’illustrer sur les champs de bataille comme ses prédécesseurs aussi va-t-il montrer beaucoup d’intelligence dans sa façon de régner. Ami des Arts qu’il utilise pour asseoir son prestige royal, c’est un grand bâtisseur. C’est à lui que l’on doit le grand donjon du Château de Vincennes, le 1er égout de Paris et surtout la transformation du Louvre. C’est sous son règne que la forteresse de Philippe Auguste se métamorphose en résidence royale et se dote notamment d’une ménagerie de fauves et – ce qui nous intéresse le plus ici – d’une incroyable bibliothèque.
Au sujet de la sagesse du roi Charles, nous parlerons du grand amour qu’il avait pour l’étude et la science ; et il le démontra bien par la belle librairie qu’il avait de tous les notables volumes qui aient été compilés par de souverains auteurs.
Christine de Pizan
Charles V, fondateur de la Bibliothèque Nationale de France
C’est en 1367 qu’il fonde la première Bibliothèque Royale, la même qui deviendra par la suite notre BNF (Bibliothèque Nationale de France).
C’est dans la tour de la Fauconnerie que s’installe la bibliothèque sur 3 étages. Si la collection de Saint Louis y trouve bonne place, elle est rapidement étoffée par des centaines d’autres ouvrages, portant l’inventaire qu’à un millier de manuscrits, à tel point qu’il devient difficile de les y ranger.
L’originalité de ce projet est qu’il répond à une politique de vulgarisation du français et de formation de l’élite aristocratique et administrative du royaume. Les textes latins des ouvrages sont traduits en français et il est possible d’emprunter les ouvrages pour les copier, favorisant ainsi la divulgation du savoir.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on parle plus de Librairie de Charles V, car la bibliothèque avait pour définition de conserver les ouvrages sacrés de la Bible. Là, en plus des livres bibliques se trouvent des romans de chevaleries, des chansons, des ouvrages scientifiques et de médecine, des ouvrages historiques… et surtout des ouvrages d’astrologies et des livres de réflexion politique dont le roi raffole .
Malheureusement, comme souvent à la mort d’un monarque, la bibliothèque est dispersée et les ouvrages éparpillés, voire perdus. Seule la mémoire de cette incroyable bibliothèque au XIVe perdure.
Pourquoi acquérir un tel manuscrit est exceptionnel ?
Sur le millier d’ouvrages de la bibliothèque de Charles V, seuls 185 volumes sont reparus et ont été répertoriés. La BNF en possède actuellement 84 comme les Grandes Chroniques de France, la Bible de Jean de Sy, le Policratique de Jean de Salisbury, Liber de informatione principum ou les Voyages de Jean de Mandeville.
Acquérir un 85e ouvrage provenant de cette bibliothèque serait donc un nouveau trésor ajouté à cette collection, tout en permettant au manuscrit de retrouver ses origines, puisqu’il sera conservé au Louvre, sur le site Richelieu. Cette acquisition est d’autant plus exceptionnelle que cela fait 200 ans que la BNF n’a pas eu l’opportunité d’acquérir un manuscrit de la librairie de Charles V. Et c’est sans parler de la grande qualité du manuscrit, dont je vous ai parlé plus haut.
Où était le Bréviaire de Charles V jusqu'à maintenant ?
Le bréviaire disparu comme tant d’autre lors de la dilapidation de la bibliothèque royale.
Au XVIIIe siècle, il reparait dans les inventaires de la bibliothèque du château d’Anet qui fut la propriété des Bourbon-Vendôme avant d’être celle d’Anne de Bavière, princesse de Condé. Une fois encore, c’est à la mort de la princesse en en 1724 que toute la bibliothèque fut vendue aux enchères et dispersée. C’est un bibliophile d’une grande famille britannique qui va acquérir le bréviaire. Sa famille va le conserver jusqu’en 2010, date à laquelle les descendants vendent le manuscrit à un collectionneur privé étranger.
C’est l’actuel propriétaire qui a contacté en 2021 la BNF car il souhaite que le bréviaire rejoigne une collection en cohérence avec sa valeur.
Pourquoi la BNF a-t-elle fait un appel au don pour acquérir le Bréviaire ?
Le besoin d'un financement du grand public
L’ancien propriétaire cédait le manuscrit “au prix du marché”, c’est à dire pour 1,6 million d’euros, et sans mettre d’autres acheteurs ou institutions en compétition. La BNF a donc eu l’exclusivité de cette vente. Mais il est inutile de préciser que les seuls fonds de la BNF ne suffisaient pas pour acheter le bréviaire, surtout lorsque l’on sait que son budget total pour les acquisitions est de 1 million !
C’est la raison pour laquelle un appel au don privé était lancé jusqu’au 31/12/2023. Des contreparties sont prévues pour les dons les plus généreux (Pass lecture, invitations) mais chaque don était possible dès 10 €. Ces dons sont éligibles à la réduction d’impôt à 66 % aussi si vous le pouvez, n’hésitez pas à faire un don !
Un manuscrit qui n'est pas (encore) un trésor national
Même si l’authenticité du bréviaire est attestée grâce à une enquête rigoureusement menée par la commission des acquisitions de la BNF, il ne pouvait être considéré comme trésor national. En effet, son propriétaire étant localisé à l’étranger, il ne pouvait qu’être reconnu comme « œuvre d’intérêt patrimonial majeur ». Fort heureusement, ce classement permettait de bénéficier des leviers fiscaux avantageux pour le mécénat.
Même si la BNF ne possèdait pas le bréviaire pendant la collecte, elle en avait la garde dans son coffre-fort afin de favoriser les expertises et les opérations de mécénat, et ce, depuis février 2023 grâce à la générosité du propriétaire.
Credit : BNF
La levée de fonds était menée jusqu’au 31 décembre 2023 . Comme la BNF a réussit à acheter le bréviaire de Charles V, le manuscrit sera numérisé dans l’année 2024 pour que nous puissions tous le consulter gratuitement sur Gallica !
Pour aller plus loin, consultez :