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Jean de Berry.
Voilà un nom qui résonne dans le monde des enluminures et de l’Histoire médiévale. Ses Riches Heures du Duc de Berry sont certainement l’un des ouvrages enluminés les plus célèbres. Et pourtant, saviez-vous qu’il existe non pas un mais six livres d’Heures appartenant à ce cher Jean ?
Plongeons dans cet incroyable creuset d’art et d’Histoire !
Sommaire
ToggleQui était Jean de Berry ?
Je suis née à Bourges, je suis donc née Berruyère –et non Bourgeoise comme certains seraient tentés de le penser. Et à Bourges, on a 3 grandes figures : Jacques Cœur, Charles VII dit le petit roi de Bourges (et traitre à cette pauvre Jeanne d’Arc) et… Jean de Berry ! Pour cause son château est toujours là (enfin ce qu’il en reste pour abriter la Préfecture) et vous l’avez aperçu si vous avez vu Les Visiteurs II…. Mais je m’égare.
Jean de Berry n’est pas qu’une fierté berrichonne, c’est aussi une très grande figure de l’Histoire médiévale et des Arts.
Un seigneur puissant aux talents politiques indéniables
Né le 30 novembre 1340 à Vincennes, il s’éteint le 15 juin 1416 à Paris.
Fils, frère et oncle de rois, (respectivement Jean II le Bon, Charles V et Charles VI) il avait tout pour jouer un rôle de premier ordre.
Jean de Berry était un politicien talentueux. Il a servi comme régent pour son neveu, le roi Charles VI, pendant sa minorité, et il a joué un rôle clé dans la négociation du Traité de Brétigny, qui a mis fin à la première phase de la guerre de Cent Ans entre l’Angleterre et la France.
Son emprisonnement en Angleterre pendant la Guerre de Cent Ans l’avait motivé à développer ses compétences diplomatiques. Il est d’ailleurs reconnu pour sa capacité à négocier avec les puissances étrangères. Il a joué un rôle clé dans les négociations qui ont conduit à la libération du roi Jean II de la captivité anglaise, et il a également été impliqué dans des négociations avec le Saint-Empire romain germanique et la Papauté.
Duc de Berry, d’Auvergne et du Poitou, il a détenu un domaine considérable qui représente 1/8ème du royaume de France ! Homme de son temps, il n’en reste pas moins LE seigneur féodal par excellence.
Un grand mécène des Arts
C’est plus de cet aspect de mécène dont la postérité se souvient.
Cet incroyable bibliophile possédait à la fin de sa vie quelque 300 manuscrits en tout genre. Bibles, psautiers et bréviaires de manière classique mais aussi des traités de philosophie, de politique et des ouvrages scientifiques, témoignant de son incroyable soif de culture et de prestige. Il ne faut pas oublier que les livres enluminés étaient prestigieux, onéreux, et montraient à la fois sa puissance et son rang auprès des autres nobles.
En plus de son amour pour les manuscrits enluminés, Jean de Berry était également un mécène de l’architecture et de la sculpture. Il a commandé plusieurs œuvres notables, comme le tombeau de son père, Jean II. A Bourges, il s’est édifié un fantastique Palais dit du Duc de Berry et s’est fait construire une Sainte Chapelle, copie conforme de celle de St Louis, pour appuyer sa filiation.
Il était également collectionneur de peintures, de tapisseries et d’autres œuvres d’art dont des chefs d’œuvres d’orfèvreries visibles au Louvre.
Qu’est ce qu’un livre d’heures ?
Selon Françoise Autrand, biographe de Jean de Berry,
[Le livre d’heures tenait] une place importante dans la journée des laïcs du temps. […/…] Le contenu du livre d’heures variait de l’un à l’autre, suivant la dévotion de celui à qui il était destiné. ». Indispensable donc, et utilisé 7 fois par jour.
On peut donc imaginer qu’un personnage aussi puissant (et fortuné) que Jean ait envie de variété. Surtout qu’en plus d’être un livre religieux, ce livre se devait d’être une œuvre d’Art faite pour impressionner la Cour en général et les rivaux en particuliers.
Jean de Berry commanda son premier livre d’heures en 1372 et ne s’arrêta plus. Il n’attendait même pas que le livre soit fini pour commander le suivant !
Françoise Autrand explique :
De même qu’au temps des cathédrales, chaque ville voulait faire bâtir la plus haute et la plus légère, l’émulation entre les princes, jointe à la jeunesse des artistes et à leurs voyages, fit évoluer les styles très vite, souvent au cours de la réalisation d’un même livre. Ce souci de perfection et de nouveauté explique le fait que chacun des livres d’heures commandés par Jean de Berry ait été un véritable chantier dont l’exécution s’étala sur des années, voire des décennies.
Les 6 livres d'heures du Duc de Berry
Jean de Berry a finalement commandé et possédé 6 livres d’heures, qui ont connu des destinées bien différentes.
Les très Riches Heures du Duc de Berry
Je me souviens encore lorsque mon père, qui travaillait alors près de Chantilly, était allé visiter le château et était revenu avec un véritable trésor (pour moi en tout cas) : un CD-Rom avec toutes les pages des Riches Heures numérisées. A l’époque c’était le seul moyen d’y avoir accès et c’était formidable car les couleurs sur écran étaient incroyables. Aujourd’hui, la numérisation en haute définition est disponible gratuitement en ligne mais j’ai toujours le CD Rom.
Les Très Riches Heures ne sont pourtant que les dernières des 6 livres d’heures et elles sont en plus inachevées…
Et pourtant, avec 206 feuillets, 66 miniatures de pleine page et 65 miniatures, quel chef d’œuvre ! Commencés par les 3 frères de Limbourg, ces derniers meurent de la peste la même année que Jean de Berry. D’autres artistes se succèdent au XVe comme Jean Colombe, berruyer lui aussi. Mais cela ne suffira pas à clore ce chantier digne d’une cathédrale.
Je n’en dirai pas plus sur ce livre d’Heures car il y a tellement à dire, comme son retour inespéré en France en 1856 ou ses incroyables peintures… À suivre dans un prochain article.
Les petites heures du Duc de Berry
Commandées en 1372 auprès de Jean le Noir, elles ont été achevées par Jacquemart de Hesdin. Ses 182 miniatures sont aujourd’hui conservées à la Bibliothèque Nationale de France (MS. lat. 18014).
Les Très Belles Heures de Notre-Dame
Ce manuscrit a été commandé en 1389 et a été démembré rapidement. Il est aujourd’hui complètement dépouillé de ses enluminures et conservé lui aussi à la BNF (NAL 3093). Seuls 4 feuillets subsistent au Musée du Louvre (RF2022-2024) et 1 au Getty Center (Ms.67)
Les Très Belles Heures (ou heures de Bruxelles)
Comme son surnom l’indique, elles sont conservées aujourd’hui à la Bibliothèque royale de Belgique à Bruxelles ( Ms. 11060-61). Achevé en 1402, c’est un riche ouvrage de 276 pages, 20 miniatures de pleine page et 17 lettrines enluminées réalisé vraisemblablement par André Beauneveu, Jacquemart de Hesdin et Jean d’Orléans.
Les Grandes Heures
Commandé en 1407, ce manuscrit se voulait de grande dimension et a été réalisé par Jacquemart de Hesdin. Totalement dépouillé de ses grandes miniatures, il est aujourd’hui conservé à la BNF (Ms. lat. 919).
Les Belles Heures
Ce sont les Frères de Limbourg qui ont réalisé ce manuscrit à partir de 1405. Ce dernier est conservé au Metropolitan Museum of Art de New York (Collection des Cloître, Acc.no.54.1.1). Il comprend 225 Folios et 172 miniatures.
Que ce soit par pure vanité ou par réel amour des Arts, le nom de Jean de Berry est inextricablement associé à celui de ses livres d’heures, ce qui peut amener certains historiens à considérer son influence comme essentielle pour le développement de l’enluminure, notamment avec la création de l’Ecole de Bourges. Personnellement, je pense que si le financement est essentiel dans le développement d’un art, le génie des enlumineurs aurait certainement pu s’exprimer ailleurs, dans une autre cour. Mais cela aurait privé la ville de Bourges d’une incroyable page de son histoire et je suis reconnaissante que Jean de Berry ait choisi cette collection plutôt qu’une autre !
Et vous, avez-vous déjà entendu parler de l’Ecole de Bourges ? J’y vois un intéressant sujet d’investigation, qu’en pensez-vous ?
Merci pour cet article passionnant ! Et encore merci pour le lien qui nous permet de voir cet enluminure gratuitement !!! Je l’avais vu à plusieurs reprises en histoire de l’art. Juste ! Je n’ai pas compris pourquoi, plusieurs audio se sont enclencher sur la page et je ne comprends pas pourquoi ? Tu as mis des liens audios ? Merci encore !
Merci Sarah pour ton message. Il y a beaucoup de très beaux manuscrits consultables gratuitement en ligne. C’est l’un des cadeaux d’internet !
Excellente remarque concernant les audios qui se sont lancés. Ce sont en fait les vidéos qui étaient configurées pour se lancer dès le chargement. Mauvaise idée en effet! Du coup, j’ai corrigé, merci encore !
Merci pour cet article, j’ai vraiment apprécié en apprendre un peu plus sur Jean de Berry. J’avais étudié l’enluminure pendant mes études, principalement la relation entre l’image et le texte. Je ne me souviens plus si nous avions parlé de l’Ecole de Bourges mais ce qui est sûr, c’est que le nom de Jean de Berry était ressorti plusieurs fois !
Merci pour ton commentaire !
Effectivement Jean de Berry est une grande figure que j’ai tardé à apprécier tant il faisait partie “du paysage local”. Ce n’est que bien plus tard que j’ai compris son importance. Quant à l’école de Bourges, elle est moins connue en tant que tel mais ses disciples le sont d’avantage. J’y reviendrai tout prochainement !
Je reste et resterai toujours admirative des détails de ces manuscrits. Je peux les observer durant de longues minutes avec grand intérêt. Merci pour cet article une nouvelle fois car je n’avais pas connaissance du nom et de l’histoire de ces ouvrages.
Avec plaisir Flore ! C’est vrai qu’il y a de quoi se perdre dans le foisonnement de détails des enluminures. Je prends beaucoup de plaisir à les regarder également.
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